Body
Dévoilant enfin ses intentions en matière de politique du logement, le Conseil d’Etat veut opposer un contre-projet à l’initiative «Stop à la pénurie de logements», déposée en 2011 par l’ASLOCA Vaud.
En août 2011, l’ASLOCA Vaud a déposé son initiative «Stop à la pénurie de logements». Mais ce n’est qu’aujourd’hui – de nombreux mois plus tard – que le Conseil d’Etat dévoile enfin ses intentions en matière de politique du logement. Il veut opposer un contre-projet à l’initiative de l’ASLOCA et propose en outre un complément de modifications à un projet de loi, gelé depuis 2011, visant à préserver le parc locatif existant.
Encouragement à construire davantage
Le Conseil d’Etat considère en substance que l’initiative «Stop à la pénurie de logements» répond à un réel besoin puisqu’il estime qu’il faut encourager les communes et les privés à construire davantage de logements à loyer abordable mais il souhaite cependant inscrire sa politique dans un cadre plus large que celui de l’initiative.
Des mesures peu contraignantes
De son côté, l’ASLOCA Vaud estime que les propositions contenues dans le contreprojet telles que les moyens pour lutter contre la thésaurisation des terrains et promouvoir la construction de logements à loyer abordable sont intéressantes mais s’interroge néanmoins sur leur efficacité réelle. Ces mesures sont incitatives, car elles reposent toujours sur la bonne volonté des acteurs et sont de ce fait peu contraignantes.
Deux mesures phares
Le Conseil d’Etat propose deux mesures phares, à savoir un droit d’emption conventionnel et un droit de préemption accordés aux communes.
L’ASLOCA Vaud relève que ces mesures ne permettent pas vraiment d’atteindre les objectifs fixés, soit la lutte contre la thésaurisation des terrains. En effet, le droit d’emption conventionnel présuppose l’accord des parties, tandis que le droit de préemption présuppose la volonté de vendre du propriétaire. Autrement dit, s’il n’y a pas, d’une part, d’accords préalables possibles entre la commune et le propriétaire ou, d’autre part, d’intention de vendre du propriétaire, la commune sera impuissante et la thésaurisation des terrains ne pourra que perdurer.
Le droit d’exproprier
C’est pour éviter une telle situation, voire une telle impasse, que l’ASLOCA Vaud propose dans son initiative le droit d’exproprier. Car, de fait, seule une expropriation peut débloquer la situation et permettre la construction de logements à loyer abordable. De plus l’ASLOCA Vaud s’interroge sur l’opportunité de présenter conjointement des projets de lois visant à lutter contre la pénurie de logements et des propositions de modifications du cadre législatif actuel visant à préserver le parc locatif existant. Elle rappelle qu’elle ne pourra souscrire à un projet visant à démanteler ou à vider de sa substance les lois (LDTR et LAAL) destinées à protéger le parc locatif existant.
Dans ce cadre, l’ASLOCA Vaud craint que le concept proposé par le Conseil d’Etat ne soit une application différenciée de la loi en fonction du taux de vacance, qu’il affaiblisse et dénature même ces lois en allant à l’encontre du principe de l’indivisibilité du territoire et en ouvrant de nouveau la porte aux abus et à la spéculation.
Ces prochains mois le Grand Conseil doit prendre position sur les propositions du gouvernement et sur l’initiative. Ce n’est qu’à l’issue de ces travaux que l’ASLOCA Vaud décidera si les textes législatifs adoptés l’incitent à retirer ou non son initiative.
Les récentes discussions du Grand Conseil sur une mesure «logement» du plan directeur cantonal laissent augurer de ces débats. La majorité parlementaire – composée de l’UDC, du PLR et des Vert’libéraux – s’est en effet cantonnée dans une position dogmatique en décalage complet avec les besoins des Vaudois.
Lutter contre la pénurie de logements en offrant des logements adaptés aux besoins de la population est pourtant un des défis majeurs que doivent relever les pouvoirs publics. La majorité parlementaire persiste cependant à considérer toute nouvelle mesure comme une couche administrative supplémentaire et donc inutile. Ce ne sera pas la première fois qu’un Parlement, par trop polarisé, faille à son devoir de répondre aux besoins de sa population.
En tout état de cause, l’ASLOCA Vaud ne retirera son initiative que si elle reçoit l’assurance que des mesures efficaces pour favoriser la construction de logements à loyer abordable seront prises.