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Ce matin, le Conseil d’État vaudois a dévoilé sa « Vision logement » dans un document censé orienter la politique cantonale face à la crise du logement. Si les constats posés sont globalement pertinents et partagés par l’ASLOCA Vaud (pénurie persistante, hausse incontrôlée des loyers, manque caractérisé de logements abordables), les réponses proposées laissent un goût amer : peu de mesures concrètes, aucune contrainte pour les milieux immobiliers et toujours pas de garantie pour les locataires.

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Structuré en quatre axes, le document présente une série de pistes, souvent techniques ou procédurales, mais évite soigneusement d’aborder le fond du problème : l’incapacité d’un marché dérégulé à garantir un logement abordable à toutes et tous.

Axe 1 – Simplifier les procédures pour accélérer la production de logements

La volonté d’accélérer la production de logements peut être saluée. Mais certaines propositions, comme l’introduction de frais de procédure ou la limitation du droit de recours, inquiètent. Accélérer les projets ne peut se faire au détriment de la qualité des constructions ou de l’implication citoyenne. Il faut d’ailleurs sortir d’un mythe économique tenace : la hausse des loyers ne s’explique pas mécaniquement par la pénurie, mais par les rendements très largement abusifs que les bailleurs entendent tirer des biens loués. En outre, contrairement aux mécanismes idéalisés du marché boursier, le prix du logement ne baisse pas dès que l’offre augmente. Même hors d’un contexte tendu, les propriétaires conservent un pouvoir de fixation quasi discrétionnaire, sur des objets constituant pourtant un besoin essentiel de la population. Le seul moyen de corriger cette dérive est de renforcer le contrôle des loyers basés sur les coûts et de corriger les abus, comme le propose l’initiative sur les loyers lancée par l’ASLOCA. Construire plus, en soi, ne fera pas baisser les loyers.

Axe 2 – Mobiliser le foncier et flexibiliser le cadre réglementaire

Le Conseil d’État évoque l’article 15a LAT, un des rares outils légaux existants permettant de contrer la spéculation foncière, ou la densification de zones industrielles, ce qui va dans le bon sens. Mais il refuse toujours de mobiliser les outils essentiels pour endiguer la spéculation foncière. Des possibilités concrètes existent pourtant : encadrement des loyers, maintien du foncier en mains publiques, création d’un droit d’emption pour limiter la thésaurisation des parcelles avec des droits à bâtir et renforcement du droit de préemption, soutien aux coopératives d’habitation. Elles sont connues et disponibles, mais toujours négligées. Pire, le Canton persiste à miser sur l’incitation plutôt que sur la régulation. Résultat : l’inaction continue de bénéficier aux acteurs immobiliers, non aux locataires et à la majorité des habitant·e·s de ce canton.

Axe 3 – Favoriser l'accessibilité à tous les types de logements et encourager la diversité de l'offre

L’objectif est légitime, mais l’absence de contraintes le rend symbolique. Le Conseil d’État reconnaît lui-même que les logements d’utilité publique ne représentent qu’une infime part du parc (environ 4 %) et que les instruments légaux actuels sont sous-utilisés.

Mais là encore, aucune mesure ne disposant de la moindre portée contraignante n’est envisagée : pas de quotas obligatoires de LUP dans les communes, pas de renforcement de la LPPPL, pas de stratégie de construction à loyers abordables.

Axe 4 – Renforcer le message et la mobilisation autour des enjeux globaux liés aux projets de logements

Le logement est présenté comme une cause commune. Mais une cause commune sans mesures fortes, sans régulation du marché et sans outils contraignants est une coquille vide. Ce n’est pas avec une « meilleure communication » que l’on réglera la crise structurelle du logement. Le diagnostic posé est certes exact : le canton fait bien face à une crise du logement sans précédent, et elle touche d’ailleurs en priorité les logements abordables, pas les résidences de luxe. Il convient donc de proposer des outils efficaces et concrets, ce qui n’est pas le cas.

Enfin, le Conseil d’État s’appuie sur une « étude logement » censée démontrer que les outils actuels suffisent, moyennant quelques ajustements, notamment concernant la LPPPL. Pour l’ASLOCA Vaud, cette lecture est trop complaisante : les bases légales existent, certes, mais elles ne sont pas appliquées ou activées à leur plein potentiel et, à nouveau, aucune mesure contraignante n’est envisagée à ce sujet. Pourtant, même les communes interrogées font le constat qu’il n’existe pas suffisamment de LUP. Le droit de préemption reste en effet peu mobilisé, les quotas de LUP sont rares ou inexistants et les logements réellement accessibles stagnent.

L’ASLOCA Vaud rappelle son cap clair et cohérent pour sortir de la crise :

  • Des quotas obligatoires de logements d’utilité publique ;
  • Le renforcement du droit de préemption et la création d’un droit d’emption pour limiter la thésaurisation des terrains avec des droits à bâtir ;
  • Des investissements publics massifs, seule réponse à la hauteur de l’urgence.

Tant que les priorités resteront dictées par les purs intérêts financiers privés et la logique de marché, la Vision logement ne produira ni logements abordables, ni sortie de pénurie. L’ASLOCA Vaud reste disponible pour contribuer à des solutions ambitieuses et concrètes, mais refuse de cautionner une stratégie qui tourne le dos une fois de plus aux locataires.

5 juin 2025
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